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Le développement durable vu par la municipalité

par Christian Chartier
Vous aviez déjà été informés sur ce site de l’intention de la municipalité d’interdire les panneaux solaires. Voici le projet de délibération correspondant.

Vous trouverez la motivation et le projet de délibération en version intégrale à la fin de cet article.


Après un rappel de lieux communs sur l’évolution de la technologie en matière de panneaux photo-voltaïques (« les technologies d’aujourd’hui ne seront pas les mêmes dans cinq ans », quelle clairvoyance !), la municipalité nous rappelle que « nous ne pouvons pas faire n’importe quoi au nom seulement des énergies renouvelables », semblant ainsi dire que l’installation de panneaux solaires, c’est faire n’importe quoi.

Peu leur chaut que de nombreux experts, que l’État, l’Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie (ADEME) ou d’autres organismes spécialisés aient montré l’intérêt des technologies alternatives pour la production d’énergie propre, ils ont décidé que les spécialistes, c’étaient eux. Spécialistes en matière d’économie d’énergie, de CO², et aussi d’environnement et d’architecture, puisqu’ils ont décidé une fois pour toutes que les panneaux solaires portaient atteinte à l’esthétique du village.

Spécialistes aussi quand il parlent de réduire notre espace forestier pour installer des éoliennes (c’est vrai, tout le monde sait qu’on supprime 10 hectares de forêt par éolienne installée !)

Mais leur grande connaissance du développement durable leur est venue très vite, puisqu’on entendait au conseil municipal du 21 septembre dernier l’idée de mettre des panneaux solaires dans les zones agricoles ! Ce qui est évidemment contraire aux principes du « Grenelle environnement ».

Idem pour leur grande connaissance de l’esthétique, car en se promenant dans Rougiers, on ne peux pas vraiment dire qu’il y ait eu (et qu’il y ait encore) une compétence urbanistique et esthétique parmi nos élus ! (je vais d’ailleurs prochainement consacrer une rubrique de ce site à « l’esthétique du village », photos à l’appui, en commençant par les réalisations municipales).

Et ils ont aussi trouvé que les panneaux solaires étant produits au japon, ils n’avaient pas d’impact CO² (là j’aimerais bien qu’ils m’expliquent, je croyais que le problème du réchauffement climatique et de la production de CO² était mondial !).

Et donc, puisque les autres sont tous des incapables et des ignares, il fallait absolument qu’ils préservent notre village d’erreurs irréversibles (sauf dans la zone d’activités, mais ça on s’en serait douté, vu la qualité architecturale des bâtiments qui y sont édifiés).

Mais bon, il y a quand même une phrase intelligente : il faut réduire notre consommation !

On attend juste que la mairie donne l’exemple : les bâtiments municipaux sont chauffés à l’électricité, et l’isolation thermique est loin des normes actuelles. La température à la mairie est largement supérieure à 19 °C. Les ordinateurs, imprimantes et copieurs sont-ils arrêtés en dehors des heures de travail ? L’éclairage public est-il réduit au minimum ? (il n’y a pas si longtemps que ça, la mairie voulait éclairer la chapelle de Saint-Jean, seraient-ils devenus économes ?). Quelle est la part des énergies renouvelables dans la consommation d’énergie de la mairie ?

Enfin, après l’analyse de ces motivations, passons au projet de délibération.

Passons sur le côté formel incorrect de la délibération, la commission du développement durable est spécialiste des panneaux solaires, de l’architecture et d’autres choses, mais pas du droit administratif.

Dans ce projet de délibération visant à interdire les panneaux solaires, la municipalité rappelle l’article R 111-21 du code de l’urbanisme qui permet de refuser un permis de construire, un permis d’aménager ou de s’opposer à une déclaration préalable « si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l’aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l’intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu’à la conservation des perspectives monumentales ».

Comme rappelé à l’article R 111-1 du même code, cet article, le seul du règlement national d’urbanisme applicable en présence d’un plan d’occupation des sols (POS) ou d’un plan local d’urbanisme (PLU), permet de s’opposer à une demande spécifique, celle-ci étant alors analysée afin de déterminer si le projet est effectivement susceptible de porter atteinte au caractère ou à l’intérêt des lieux avoisinants. Le refus d’un projet sur le fondement de cet article doit faire l’objet d’une motivation particulière, comme l’indique la jurisprudence. Cet article ne peut en aucun cas servir de motivation pour un acte autre que l’opposition à un projet particulier. Une délibération visant à interdire de manière générale les panneaux solaires prise sur le fondement de cet article est dont illégale.

La municipalité rappelle ensuite le vote du sénat du 16 septembre 2009 adoptant l’article 4 du projet de loi portant engagement national pour l’environnement, créant un article L. 111-6-2 du Code de l’Urbanisme.

Elle détourne le sens de l’article tel qu’il résulte des orientations du « Grenelle de l’environnement » comme des travaux préparatoires et des discussions parlementaires, qui définit l’installation des panneaux solaires comme un droit, en ne permettant de s’y opposer que dans certains lieux, et sous réserve d’une justification particulière.

Il s’agit là soit de malhonnêteté, soit d’incompétence. Je vous laisse choisir.

Cela dit, l’adoption par les sénateurs d’un article d’une proposition de loi n’en fait pas une loi, et cela ne peut bien évidemment pas motiver cette délibération. Là encore, on a une illégalité évidente.

Le considérant suivant vaut son pesant d’or : « Considérant qu’il convient de préserver l’esthétique du village et que celui-ci ne doit pas se transformer en centrale photo-voltaïque » !

Quelle mauvaise foi ! En quoi l’implantation de quelques panneaux solaires transformerait le village en centrale photo-voltaïque ? La simulation d’implantation de panneaux solaires mise en ligne sur le site rougiers.soleil donne une appréciation plus réaliste.

On continue avec la conformité de la position municipale avec la charte de l’environnement. Voilà ce qu’il a sur la charte : « Développer le recours aux énergies renouvelables les plus adaptées aux territoires (biomasse, solaire, éolien, géothermie, etc.) ».

J’ai quand même la très nette impression qu’ils se fichent de nous en disant que l’interdiction des panneaux solaires (et des éoliennes) est conforme à cette phrase... Et vous ?

Un point intéressant : le « Projet D’aménagement et de Développement Durable du Territoire de la Provence Verte » qui propose de développer les toitures photo-voltaïques dans les zones d’activités et commerciales. Ça doit être pour cela que finalement la zone d’activités a été jugée apte à recevoir des installations solaires. Malheureusement, l’exposition des toitures (à l’exception de la cave coopérative) limite de manière importante la capacité d’équipement solaire de cette zone.

Et donc la décision finale :

« Décide de ne pas autoriser la pose de panneaux photo-voltaïques sur les toitures des constructions situées dans les périmètres de protection à l’exception des bâtiments situés dans la zone classée UX dans le Plan d’Occupation des sols de Rougiers ». C’est tellement mal rédigé qu’on ne sait même pas quelles sont les zones concernées (les périmètres de protection ? Mais de quoi ?).

Donc inapplicable.

Moi, ce qui me gène le plus dans l’histoire, c’est que j’ai le sentiment d’avoir été grugé. J’ai cru voter pour une municipalité sensible au développement durable, et ce n’est pas le cas. La prochaine fois, je sais pour qui je ne voterai pas.


Extrait du site rougiers-durable :

Projet de déliberation pour la pose de panneaux photovoltaîques - rédigé le 20/10/09

Pourquoi ce projet de délibération ?

Les énergies renouvelables sont en constantes améliorations au niveau de leurs techniques et de leurs efficacités. Les technologies d’aujourd’hui ne seront pas les mêmes dans cinq ans. Les panneaux photovoltaïques pour ne citer qu’eux, seront déjà différents dans un an ou deux. Aujourd’hui il existe des panneaux souples qui s’intègrent mieux à leur support.

Nous ne pouvons pas faire n’importe quoi au nom seulement des énergies renouvelables. Il nous paraît important de comprendre et de connaître le cycle de vie, l’impact CO2, le recyclage, la pollution visuelle et sonore que toutes ces énergies peuvent engendrer. Lorsque nous savons qu’une grande quantité de panneaux photovoltaïques sur le marché provient du japon, nous pouvons nous demander où se situe ici l’impact CO2.

Dans un autre domaine il ne serait pas raisonnable, au nom des énergies renouvelables, de réduire notre espace forestier pour installer des éoliennes à Rougiers, cela serait un non sens écologique.

C’est pour cela que nous préférons dans un premier temps, prendre une délibération pour préserver notre village d’erreurs qui pourraient être irréversibles, tout en laissant le photovoltaïque se développer dans la zone UX, c’est-à-dire dans la zone artisanale.

Nous savons tous aujourd’hui que l’important n’est peut-être pas de produire de l’électricité mais d’apprendre à réduire significativement notre consommation.

PROJET DELIBERATION

Objet de la délibération

Délibération réglementant l’installation de panneaux photo-voltaïques

Le Conseil Municipal,

Considérant l’article R111-21 du code de l’urbanisme : « Le projet peut être refusé ou n’être accepté que sous réserve de l’observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l’aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l’intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu’à la conservation des perspectives monumentales » ;

Considérant le vote du sénat le 16 septembre 2009 adoptant l’article 4 du Grenelle 2 de l’environnement,

Considérant la teneur de cet article 4 qui prévoie notamment « les dispositions du 1er alinéa (pour rappel, il est interdit d’interdire) ne sont pas applicables dans un secteur sauvegardé, dans une zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager créée en application de l’article L 642-1 du code du patrimoine, dans le périmètre de protection d’un immeuble classé ou inscrit au titre des monuments historiques défini par l’article L 621-30-1 du même code, dans un site inscrit ou classé en application des articles L 341-1 et L 341-2 du code de l’environnement, à l’intérieur du coeur d’un parc national délimité.... »

Considérant qu’il convient de préserver l’esthétique du village et que celui-ci ne doit pas se transformer en centrale photo-voltaïque,

Considérant qu’il n’est pas fait abstraction à la Charte de la Mairie de Rougiers pour l’environnement qui préconise de généraliser l’emploi des technologies à basse consommation d’énergie et de développer le recours aux énergies renouvelables les plus adaptées aux territoires, étant entendu que la prise en compte des énergies renouvelables ne peut aller que dans le sens d’une amélioration du confort thermique pour le particulier ;

Considérant qu’une surface de capteurs solaires à serpentins de 4 m² peut répondre à cette demande ;

Considérant que le Projet D’aménagement et de Développement Durable du Territoire de la Provence Verte propose de développer les toitures photo-voltaïques dans les zones d’activités et commerciales,

Décide de ne pas autoriser la pose de panneaux photo-voltaïques sur les toitures des constructions situées dans les périmètres de protection à l’exception des bâtiments situés dans la zone classée UX dans le Plan d’Occupation des sols de Rougiers.




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